Passé une dizaine de minutes,
je remarquai enfin que les rayons du soleil filtraient à travers les arbres. L’air
n’était plus humide, il faisait même plutôt chaud. Je relevai alors brusquement
la tête, tentant d’apercevoir l’astre jaune.
- Mais… le temps ?
Ethan menait la marche, et je
l’entendis étouffer un rire.
- Nous sommes sur le
territoire elfique, Abby.
Il avait dit cela comme si
j’étais censée comprendre. Devant mon silence éloquent, Ethan se sentit obligé
de préciser :
- Valérian a un pouvoir un peu
particulier. Sur son territoire, ses pensées contrôlent pas mal de choses… Y
compris la météo. Tu imagines donc quel peut-être son état d’esprit, n’est-ce
pas ?
Et comment ! Nous venions
de traverser un rideau de pluie et d’échapper de justesse à la foudre. Mieux
valait pour moi de rester à l’écart de Valérian pendant quelques temps.
- Oui, je vois…
Nous marchâmes encore un
moment, dans un silence qui devint très vite pesant. Quand Ethan allait-il se
décider à me parler ?
- Deux minutes Abby…
Laisse-moi le temps de chercher mes mots s’il te plait.
Je m’arrêtai brusquement,
complètement abasourdie par ce qu’il venait d’énoncer.
- Je n’ai rien dit, Ethan !
Il se retourna pour me faire
face, et me gratifia de ce fameux sourire en coin qui se voulait à la fois
tendre et complice.
- Tu lis dans les pensées,
c’est ça ?
Je prononçai ces mots dans ma
tête, en faisant bien en sorte de garder mes lèvres scellées. J’attendis une
réaction de la part de mon ami. S’il s’avérait qu’il était télépathe, il me
répondrait par l’affirmative. Si non, je ne risquai pas de paraître ridicule,
étant donné que je ne faisais qu’exprimer cette question dans mon esprit.
- En effet. Mais ce n’est pas
un talent exceptionnel. Tu es capable d’en faire autant.
Ethan me dévisageait toujours,
ses prunelles dorées guettant ma réaction. Je me mis alors à rire nerveusement. Il était donc télépathe, je n'étais pas aussi folle que je le pensais...
- Très drôle ! Allez,
arrête de te moquer de moi. Explique-moi plutôt ce que je fiche ici.
- Je ne plaisante pas. C’est
sérieux. Tu peux aussi lire dans mes pensées. Il faut juste que tu apprennes…
Mon rire disparu aussitôt pour
laisser place au scepticisme. Ethan devenait de plus en plus louche. A tel
point que, même si j’avais toujours pensé être une personne bizarre, j’étais
forcée de constater que lui, l’était plus que moi.
- Bon, ok… On verra tout ça
plus tard. Viens, je t’emmène chez moi, on pourra parler calmement, et promis,
tu auras toutes les réponses à tes questions. Tu viens ?
Il me tendit une main que
j’hésitai à attraper. Mais après tout… Ethan venait de me sauver la vie. Qu’il
dise des choses étranges sur un pouvoir que je n’avais manifestement pas, ne
faisait pas de lui quelqu’un de dingue. Tendant le bras, je m’emparai alors de
sa main glacée, et nous reprîmes notre marche. Seul le bruit de nos pas sur le
sol jonché de branches brisait le silence. Je me demandai à quoi son esprit
était occupé. Il semblait tellement perdu dans ses pensées, tellement
malheureux soudainement, que je serrai plus fort sa main dans la mienne, comme
pour l’épauler silencieusement. Notre
randonnée forestière prit fin lorsqu’Ethan s’arrêta face à une sinistre cabane en
bois, couverte de lierre et de mousse, que je n’avais pas remarqué, tant mes
yeux étaient occupés à contempler l’homme qui se tenait à mes côtés.
- Et voilà ! Nous sommes
arrivés.
Il lâcha ma main et s’avança
vers l’entrée de la petite chaumière. Il poussa la porte, et avec un grand
sourire, m’invita à entrer à l’intérieur. Un peu réticente, je m’attendis à
devoir éviter les centaines d’araignées et insectes en tout genre qui devaient
loger dans cet endroit lugubre. Mais il n’en fut rien. Je découvris avec
surprise un charmant petit intérieur, propre et rangé. Deux rocking-chairs
étaient installés face à un feu qui ronflait légèrement dans une cheminée de
pierre. Un peu en retrait, une vieille cuisinière à bois, une table et quatre chaises, et au fond, un
simple lit recouvert d’un plaid en laine.
- Ce n’est pas grand luxe,
mais c’est chez moi.
Je détaillai alors Ethan. Sa
chemise de marque et son pantalon impeccable étaient tout sauf en adéquation
avec les lieux. Cependant, je n’étais pas là pour juger la façon de vivre de mon
ami. J’attendais tout simplement qu’il m’explique qui j’étais réellement.
- Installe-toi, me dit-il en
me montrant un rocking-chair, tu veux boire quelque chose ?
- Non, merci. Je voudrais
seulement des explications, je pense que j’ai assez attendu.
Ethan s’installa sur un
fauteuil, et je fis de même.
- Que t’a dit Valérian
exactement ?
- Il m’a expliqué que les
hybrides étaient nés d’une union entre une humaine, mordue par un vampire
durant sa grossesse, et un elfe. Que les elfes avaient déclarés la guerre aux
hybrides après que Valérian ait mordu l’un des leurs, et que j’étais moi-même une
hybride, que j’étais la seule à pouvoir faire changer les choses…
- Hum…
Ethan s’adossa contre le
dossier du fauteuil et contempla un moment le feu avant de se redresser
brutalement, agacé.
- Il ment, hein ?
J’espérai, au plus profond de
mon âme, qu’Ethan allait m’annoncer que Valérian m’avait dit n’importe quoi.
Qu’il s’était trompé de personne, qu’on allait me renvoyer chez moi, et que
j’allai reprendre ma petite vie bien tranquille. Mais en avais-je seulement
envie, d'une vie sans un peu d'action ?
- Il ne t’a pas menti. Tu es
une hybride. Tu es… comme moi…
J’eu le souffle coupé.
Ethan ! Un Hybride ? J’aurai du m’en douter, pourtant. Mon visage
dévasté le fit sourire, mais il se reprit rapidement, croisa ses mains sur ses
genoux et continua ses explications.
- En réalité, tu es ma sœur,
Abby.
Trou noir. J’eu soudain
l’impression de quitter mon corps, comme si j’assistai à toute cette histoire
de l’extérieur, en tant que simple spectatrice, et surtout pas en étant
l’actrice principale de cette comédie de mauvais goût. J’ouvris la bouche
plusieurs fois, essayant tant bien que mal de parler, mais le choc de la
nouvelle me laissait sans voix.
- Je t’ai suivi toute ta vie.
J’ai veillé sur toi dans l’ombre. J’ai outrepassé les règles pour toi. Tu es ma
petite sœur… Nous avons les mêmes parents…
Je ne répondis toujours pas.
Mon cerveau eu du mal à emmagasiner ces lourdes informations. Je me rappelai
alors que Valérian avait précisé que mes parents étaient des leurres. Ethan
parlait alors forcément de nos parents génétiques.
- Mes… parents…
- Les personnes que tu as
toujours connues, celles qui t’ont aimé toutes ces années, sont aussi tes
parents. Valérian ne voit pas les choses comme ça, mais il est spécial, tu
comprendras plus tard. Tes parents sont au courant de ton histoire. Ils
savaient qu’un jour ils devraient disparaître sans te faire d’adieux. Ils ont
accepté ces termes du contrat, et t’ont élevé comme leur propre enfant.
« Contrat » !
Pour quoi me prenaient-ils tous au
juste ?
- Pardon, je n’aurai pas du
employer ce mot, s’excusa mon frère qui venait de lire mes pensées. Tes
parents… Nos parents, ont été éliminés lorsque les elfes ont appris qu’ils
seraient les géniteurs de celle qui risquait de changer le cours de leur
petite vie tranquille. Toi. Ils ne veulent surtout pas d’entente avec les hybrides,
cette guerre leur plait, ils veulent désormais la victoire.
J’avais de plus en plus de mal
à comprendre. Les hybrides, que je prenais pour les méchants de l’histoire, ne
seraient pas aussi mauvais ? Et les elfes, que j’avais toujours imaginés
innocents et bons, seraient en réalité des fauteurs de trouble ?
- Oui, c’est à peu près ça…
- Ethan, pitié, cesse d’entrer
dans ma tête ! J’ai besoin de réfléchir.
A ces mots, je me détournai
d’Ethan et me précipitai au dehors. De chaudes larmes coulèrent sur mes joues.
Je pris tout à coup conscience que toute ma vie n’avait été que mensonge. Le vent chaud qui me
fouettait le visage ne faisait qu’attiser ma douleur. L’endroit était pourtant
féérique et aurait dû avoir le don de me calmer. La forêt était belle, un
véritable havre de paix. Mais cela ne suffit pas. Ethan me rejoignit et
m’enlaça. Je voulu me débattre, mais son corps froid contre le mien, bouillant,
me fit du bien. Comment pouvais-je être une hybride, alors que je ressemblais en
tout point à une banale humaine. Mon cœur battait, mon corps était chaud, je ne me nourrissais pas de sang… Je gardai ces questions pour plus tard, et
fini par m’abandonner contre l’épaule de mon frère.
- Ca va aller, je te le
promets.
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