La sonnerie de mon téléphone me réveilla. Dans un grognement je
désactivai l’alarme qui me servait de réveil. Roulant en boule sous la
couverture, je ne luttai pas longtemps contre le sommeil qui s’emparait de moi
à nouveau. Je rêvais de la soirée de la veille. Je l’avais passée en compagnie
de mes « amis », mais comme d’habitude, je ne m’étais pas amusée. Trop de
monde, trop de bruit… Je m’étais isolée à une table pendant qu’ils se
déhanchaient tous sur la piste de danse, au rythme de ce qu’ils appelaient
musique. Un jeune homme m’avait abordé. Sourire en coin, cheveux noirs en
bataille, yeux bruns dorés… Me cachant derrière mon éternelle timidité, j’étais
restée de marbre face à son charme évident. Pourtant il ne s’était pas lassé de
mon immobilité. Voyant que je ne réagissais pas, il avait changé de tactique en
tournant sa chaise face à la piste. Il avait croisé les bras sur sa poitrine et
s’était muré derrière le silence, penaud. Je ne pouvais évidemment pas
m’empêcher de le regarder puisqu’il s’était placé devant moi, me barrant la vue
à toute autre chose. Mon pied battait la mesure et mon visage trahissait mon
agacement. Au bout d’une demi-heure, constatant qu’il ne cesserait pas son
manège, je m’étais dirigée vers la sortie de la boite de nuit. La panique
m’avait envahi en prenant conscience que je n’étais pas venue avec ma voiture,
me rappelant que nous avions décidé de faire du covoiturage. Je jurai lorsque
je m’étais aperçue de sa présence. Il était là, face à moi, un sourire
victorieux illuminant son visage. Il avait proposé de me raccompagner. J’avais
hésité, le jaugeant d’un œil méfiant. Il ne paraissait pas dangereux et j’étais
fatiguée. J’avais finalement accepté son invitation, portée par une confiance
sortit de je ne sais où, et m’étais installée côté passager dans son Audi (rien
que ça !). Tant pis pour les autres, j’étais certaine qu’ils ne remarqueraient
pas mon absence.
- Tu viens souvent ici ?
Sa voix m'avait semblé différente de celle que j’avais entendue
dans cette salle surpeuplée. Il avait dû constater mon étonnement car son
visage était devenu sérieux.
- Un problème ?
J’avais été incapable de sortir un mot. Pourquoi sa voix me
rendait-elle si nerveuse ? Je lui avais lancé un bref regard. Il semblait
concentré sur la route. D’une voix un peu trop aigüe à mon goût, je lui avais
signalé de tourner à droite à la prochaine intersection. Mon cœur battait à la
chamade. Pas de vouvoiement. C’était comme si nous nous connaissions déjà…
Mon alarme se mit à sonner de nouveau et je me redressai
brutalement dans mon lit, paniquée. Regardant l’heure sur mon téléphone, je me
jetai hors des draps et filai prendre une douche. J’avais rendez-vous avec lui
dans une heure. Quelle idée avais-je eu d’accepter de le revoir ? J’avalai en
vitesse mon bol de céréales et retournai dans ma chambre. Mon téléphone
sonnait. Numéro inconnu.
- Allô ?
- Salut, c’est Ethan, je serais chez toi d’ici cinq minutes. Tu es
prête ?
- Non pas tout à fait, attends encore un peu s’il te plait.
Avais-je dis précipitamment en me figeant.
Je l’entendis rire. Quelle idiote. Il était en voiture, que
pouvait-il faire d’autre…
- J’attendrai dans la voiture alors.
Il n’attendit pas ma réponse et raccrocha. Comment avait-il eu mon
numéro ? Je ne me rappelais pas le lui avoir donné. Je notais mentalement de
lui poser la question.
Ne perdant pas une seconde de plus, je finis de me coiffer et
enfilai mes chaussures. Je m’apprêtai à sortir lorsque je revins sur mes pas,
écrivant un mot à mes parents en leur expliquant que je passerais mon dimanche
avec un ami. Ils s’étaient absentés depuis une semaine, fêtant leur
anniversaire de mariage à Venise, et devaient rentrer dans la journée. Je me
lançai un dernier coup d’œil dans le miroir de l’entrée, replaçant derrière mon
oreille une mèche de cheveux rebelle. Une fois la porte verrouillée, je me
tournai enfin vers la voiture noire de cet inconnu qui ne me laissait pas
indifférente. Il sortit de la voiture, m’accueillit avec un sourire à croquer,
et m’ouvrit la portière. Je m’installai, mal à l’aise, et découvrit Ethan à la
lumière du jour. Il fit le tour de la voiture, revenant s’installer derrière le
volant, et je remarquai qu’il était plutôt athlétique. Il portait une chemine
en coton blanc et un jean. Classe, mais sans trop de chichis.
- Comment vas-tu Abigaïl ? Bien dormi ?
Je fus surprise qu’il se souvienne de mon prénom.
- Je préfère Abby, s’il te plait. Mais oui, bien dormi. Et toi ?
J’avais évidemment mentit sur la nuit passée. Elle avait été
agitée de cauchemars et de cris. Mais quel intérêt de lui raconter tout ça ?
- Où m’emmènes-tu ? Lui demandai-je.
- Tu verras…
Le voilà qui me refaisait le coup du sourire en coin ! J’insistai,
craignant une mauvaise blague. Il était têtu mais j’obtins quand même un indice
: dans son monde. Cette réponse m’avait tellement scotché que j’en restais
bouche bée. Me prenait-il pour une idiote ? M’avait-il servit cette phrase pour
que je cesse de poser des questions ? Sûrement. Je décidai donc de rester
silencieuse, regardant le paysage défiler à travers les vitres de la voiture.
Nous nous éloignions de la ville. Je n’avais aucune idée de l’endroit où nous
étions. Je n’avais d’ailleurs pas d’autre choix que de lui faire confiance. Je
venais à peine de le rencontrer, et pourtant j’étais à l’aise en sa présence,
même s’il m’intimidait. C’était comme si un lien invisible nous reliait, sans
que je ne sache pourquoi.
Perdue dans mes réflexions, je ne l’entendis pas me parler.
- Eh Abby ! Me héla-t-il. On est arrivé.
- Pardon ?
Je n’avais pas remarqué que nous étions à l’arrêt. L’endroit était
étrange. On aurait dit un terrain vague. La peur commençait à me gagner.
J’étais sorti de la voiture, regardant autour de moi, cherchant un éventuel
moyen de m’enfuir.
- Où sommes-nous ?
Ma voix resta coincée dans ma gorge. Il sourit.
- Ne t’en fais pas.
Il se voulait rassurant. Posant une main sur mon épaule, il
murmura à mon oreille :
- Tu es attendue, n’ai pas peur, tout ira bien.
Ses paroles, ou peut-être sa voix, me firent frissonner. Je restai
figée, la mâchoire crispée, attendant que quelque chose se passe.
- Ferme les yeux.
Je l’observai avec méfiance. Son regard était doux, confiant.
- C’est juste un conseil. Se défendit-il en lisant la crainte sur
mon visage.
Après un instant d’hésitation, je décidai d’obéir. Il attrapa ma
main et je me sentis tout à coup nauséeuse. La tête me tourna, j’avais
l’impression d’étouffer. Cette sensation ne dura que quelques secondes, une
minute tout au plus.
- Ouvre les yeux, Abby.
Toujours sur mes gardes, je déplissai lentement mes paupières.
L’endroit était différent. Ma vue était trouble de m’être tant crispée, mais le
son qui parvenait à mes oreilles ne pouvait me tromper. Une chute d’eau ! La
lumière du lieu était aveuglante, si bien que je papillonnai des yeux pour
éviter de pleurer malgré moi. Puis enfin, je pus observer ce qui m'entourait.
C’était un lieu féérique. Le soleil brillait comme jamais, le ciel azur était
dépourvu de nuage. Au loin, une cascade déversait une eau turquoise et la
prairie qui nous entourait était couverte d’une herbe luxuriante. Il n’y avait
pas de route, tout n’était que verdure... Je cru rêver lorsque je vis passer à
côté de moi, une licorne.
- Je… C’est une… ?
Ethan riait. J’avais les yeux exorbités, le doigt pointé vers
l’animal fantastique. Jamais de ma vie je n’avais vu de pareil endroit, excepté
dans mes rêves les plus fous. D’ailleurs, je devais être en plein rêve. Je
fermai les yeux à nouveau et secouai la tête, m’ordonnant de me réveiller.
- Bienvenue chez toi, Abby.
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